Texte 4 : Lettre 81, les liaisons dangereuses


Etude:

Au XVIIème siècle, le mouvement dominant est celui des lumières: combat les inégalités et les injustices, prône la raison et la connaissance. Le mouvement mineur est le mouvement libertin, qui place la liberté individuelle au centre de ses préoccupations.

Les Liaisons Dangereuses, de Laclos, est un roman épistolaire constitué de lettres. C'est un approfondissement du point de vue de chaque personnage.

 

  • Eloge d'elle-même (mérites)
  • Dissimulation de ses pensées
  • Exploite sa condition de jeune fille pour observer, analyser la société
  • s'entraine à différentes expressions du visage pour dissimuler ce qu'elle pense ou ce qu'elle ressent

 

Introduction:

Les Liaisons Dangereuses, parue en 1782, pendant le siècle des Lumières est un roman épistolaire mettant en scène deux libertins, le Vicomte de Valmont et la Marquise de Merteuil. Ce sont d'anciens amants restés complices pour organiser des maoeuvres manipulatrices et même perverses.

Dans la lettre 81, elle répond à Valmont, qui l'avait provoquée en affirmant que Prévan est un exemple inégalable de séducteur. Dans cet extrait, la marquise explique la supériorité qu'elle a acquise grâce à l'éducation qu'elle s'est formé elle-même.

 

LECTURE

 

Comment la marquise brosse-t'elle un auto-portrait élogieux tout en valorisant la dissimulation et la domination?

 

Nous allons procéder à la lecture linéaire en suivant les mouvements du texte.

Dans le premier paragraphe, elle révèle la première étape de son parcours qui est : observer et réfléchir. Dans le deuxième paragraphe, elle explique comment elle a appris à dissimuler. Enfin, dans les deux derniers paragraphes, elle se montre spectatrice d'elle-même et affirme sa supériorité.

 

I. Une première étape s'appuyant sur l'observation de la société

  • La marquise affirme sa singularité.

          - Les phrases sont construites sur un jeu d'opposition: la première partie de la phrase décrit la condition de la jeune fille au XVIIIème siècle avec le champ lexical du silence, du mutisme, et de l'inaction, c'est une totale passivité. La seconde partie de la phrase décrit-elle la réaction de la marquise.

          - Elle est perçue comme étourdie, distraite. Le terme "vouée" est un participe passé de sens passif. Le terme "d'état" implique que la jeune fille doit être comme ça. La société interprète son attitude et elle se confirme à l'idée qu'on se fait d'elle.

          - "J'ai su en profiter". Elle est le sujet d'un verbe d'actions + 3infinitifs.

          - La voie est active est non passive.

          - L'opposition est renforcée par "tandis que" qui introduit une proposition subordonnée circonstancielle d'opposition.

  • Antithèse: discours qu'on lui tient et qu'on lui cache.
  • C'est un autoportrait qui vise à montrer la supériorité de Madame de Merteuil dans une société hypocrite et annihilante.

 

Dans ce paragraphe, la marquise s'oppose et critique la société (représentée par l'indéfini "on"), en refusant son état de jeune fille soumise et en cherchant à connaître ce qu'on lui cache. Elle adopte donc un caractère singulier et atypique. Elle dévoile, avec les termes "observer" et "réfléchir", sa méthode.  Ce sont les grand principes de philosophie des Lumières, qu'elle pervertit.

 

II. Dissimulation et observation de principes de son apprentissage.

  • Elle est active.

          - cf. passé simple (=succession de ses actions) (≠ imparfait du premier paragraphe)

          - cf. voie active sauf "forcée" l.5 qui rappelle le participe passé "vouée" l.1 Cela montre que la marquise de  Merteuil n'est pas vraiment responsable et que c'est la société qui a imposé ce qu'elle refuse.

  • Elle mène un combat contre la société.

          - cf. champ lexical de la guerre: "succès", "zèle", "puissance", etc.

  • Son entrainement progresse dans le temps.

          - "souvent", "dès lors", "premier succès", "jusqu'à", "ainsi".

          - Ces marqueurs temporels et logiques soulignent les progrès de la marquise dans les techniques de dissimulation.

  • Le champ lexical du regard montre que la première chose qu'elle travaille est voir sans être vue.

          - "regard", "yeux", "les miens".

          - La l.7 montre sa réussite dans cette première entreprise de dissimulation avec le verbe "obtint" et décrit en même temps les réactions de son entourage, qui se trompe et la croit discrète, ou celle de Valmont qui est admiratif.

          - Elle cherche à exprimer de la tristesse quand elle éprouve de la joie.

          - Elle cherche à exprimer de la douleur quand elle éprouve du plaisir. Elle s'inflige même de la douleur, perçue comme plus intense que le chagrin, pour paraître plus crédible. Gradation par rapport à la précédente, renforcée par la construction de la phrase avec "jusqu'à".

          -Cela témoigne du caractère hors-norme de la Marquise.

          -Son entraînement final montre un contrôle total, en étant capable de réprimer toutes ses émotions "intermédiaires".

  • Le paragraphe se termine sur le nom "puissance" et à la volonté de domination de la Marquise.

          - Elle a acquis ce pouvoir grâce à un travail sur elle-même, des exercices réguliers répétés avec application, marqués par le champ lexical de l'effort, du combat, et avec des verbes pronominaux montrant le travail qu'elle a fourni.

          - C'est une démarche raisonnée, expérimentale pour obtenir des résulats fiables: démarche des Lumières mais au service de la dissimulation.

 

Après cet entraînement, la Marquise de Merteuil va évaluer la l'efficacité de la maitrîse de sa physionomie.

 

III. La Marquise se fait spectatrice d'elle-même pour évaluer ses compétences.

  • Elle porte un jugement assez sévère sur la jeune fille qu'elle était. 

          - "jeune encore et presque sans intêret", qui souligne implicitement qu'elle est devenue bien meilleure.

          - La maitrise qu'elle cherche à valider est une maitrise de sa pensée intérieure.

  • Elle exerce ces capacités en s'imaginant dans des situations différentes.

          - Les nombreux noms au pluriel le prouvent l.17 et 18.

  • Elle est devenue invivable conformément au registre militaire qu'elle utilise elle-même.

          - "Non contente de ne plus me laisser pénétrer" l.16

          - Champ lexical de la liberté: "contente", "je m'amusais", "selon mes fantaisies".

          -L'éducation qu'elle s'est donné semble finalement s'appliquer à son plaisir.

  • Dans la dernière phrase, les mots sont eux exprimés au singulier et l'adjectif "seul" soulignent le caractère exceptionnel de la Marquise mais ma place aussi de la solitude.
  • La négation restrictive nous montre que son nouvel objectif n'est pas seulement la dissimulation mais aussi la manipulation.

 

Le dernier paragraphe achève l'auto-portrait de manière glaçante. Elle dit avoir gagné un degré d'hypocrisie, observe les visages de manières obsessionnelles, mais avoue une petite faille l.22 : "rarement trompée" avoue qu'elle n'est pas infaillible et rend le portrait plus crédible.

 

Conclusion:

La Marquise, qui est d'une intelligence et d'une efficacité remarquable, présente au Vicomte, avec une rigueur scientifique digne des Lumières, son éducation à la dissimulation. Cela lui permet de conquérir de la liberté, de la maitrise d'elle-même et de s'affranchir des contraintes que la société impose aux jeunes filles. La Marquise s'oppose à Mademoiselle de Chartres, qui a subit l'éducation à la vertu que lui a donné sa mère.