Texte 11, Préambule, Article 1 & 2


Introduction :

Bien qu'elles aient participé à de nombreux débats, les femmes se trouvent à nouveaux écartées du pouvoir après la Révolution. Ainsi, Olympe de Gouges rédige une parodie engagée de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen  en 1791, qu'elle intitule la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, et dans laquelle elle demande l'égalité des droits entre les hommes et les femmes.  Nous allons donc en étudier le préambule et les deux premiers articles, où elle expose les incohérences de la DDHC et revendique l'égalité.

 

LECTURE

 

Problématique :

Comment Olympe de Gouges procède-t'elle pour argumenter en faveur de l'égalité ?

 

Nous allons tenter d'y répondre en procédant à une lecture linéaire qui suivra les mouvements du texte : dans un premier lieu, un débat efficace (l1-2), puis dans un second temps, un détournement accusateur et polémique (l2-11), dans un troisième temps, une fin de préambule provocatrice (l12-14) et enfin une réécriture des articles au féminin (l15-21).

 

I. Un début efficace (l.1-2)

En une phrase, ODG présente clairement son objectif : mettre au devant de la scène les femmes, "représentantes du peuple", revendiquant un rôle actif. Il y a une énumération qui ouvre la phrase et fait écho à la DDH, mais ODG remplace "Les représentants du peuple français" par une énumération prend en compte toutes les femmes, peu importe leur statut. On remarque qu'elle met en valeur leurs rôles familiaux pour souligner les liens naturels du sang qui les unissent aux rédacteurs de la DDHC. Les noms sont ici aux pluriel, ce qui valorise la revendication commune des femmes et qui fait ODG une porte parole.

 

II. Un détournement accusateur et polémique (l.2-11)

Elle commence par expliquer la raison la poussant à rédiger la DDFC via une proposition subordonnée de cause, introduite par la conjonction de subordination "Considérant que" qui justifie son écriture ("Considérant que... gourvernements"), c'est à dire une inégalité profonde entre les hommes et les femmes et qui engendre le dysfonctionnement de la société.

Elle utilise aussi une proposition principale. Le sujet y est sous-entendu, "[elles] ont résolus" le verbe est au passé composé, ce qui indique que l'action est assez récente pour justifier la DDFC. On ajoute le COD, qui est une énumération d'adjectifs caractérisant les droits des femmes car ils sont essentiels .

  • "fondamentaux" : nature, dans l'ordre des choses
  • "inaliénables" : qu'on ne supprimer
  • "sacrés" : validés par Dieu

 

Le mot "Déclaration" rappelle le parralèle entre la DDHC et la DDFC. L'adjectif "solennelle" en rappelle lui l'importance : la phrase commence donc par une gradation ascendante, qui souligne l'erreur de la DDHC qui néglige la moitié de la population.

Il y a aussi trois subordonnées de but, introduites avec les anaphores "afin que", rythmant la revendication.

  1. La même syntaxe que la DDHC, avec les adverbes "constamment", "sans cesse", "tous" + pluriel... insiste donc sur l'universalité de la déclaration et prouve que la DDHC était incomplète, donc fausse : cela a un effet d'ironie.
  2. Il y a une modification de la DDHC : "pouvoir executif et législatif" devient "pouvoir des femmes et des hommes". ODG insiste donc sur ceux qui détiennent le pouvoir, et choisit une construction symétrique pour montrer l'égalité homme-femme. Ce sont les femmes citées en premier, ce qui les valorise. L'adverbe "plus" insiste lui sur l'importance de la déclaration.
  3. L'adjectif "incontestables", les adverbes "désormais" et "toujours" montre le but d'ODG d'inscrire la DDFC dans la durée et dans la loi. Elle y ajoute aussi "des bonnes moeurs", la femme devient donc le garant d'une société vertueuse et d'un bon gouverment, avec le bonheur de tous. Ce sont les idées des Lumières.

 

En justifiant la DDFC, et en exposant ses objectifs, ODG ne manque pas de souligner les erreurs de la DDHC. Ainsi, la DDFC est présentée comme nécessaire pour l'humanité.

 

III. Fin du préambule (l. 12-14)

La fin du préambule place la femme sur le devant de la scène et requiert ses droits et devoirs en tant que Citoyenne française.La dernière phrase est introduite par locution adverbiale "En conséquence", ce qui annonce une conclusion et qui s'achève sur l'adjectif "suivants", qui annonce la série des articles. Cette phrase sert de transition entre le préambule et les articles.

La périphrase qui désigne les femmes "le sexe supérieur en beauté, en courage dans les souffrances maternelles" fait parti du registre réaliste du corps qui donne vie au texte de loi. Cette phrase est provocatrice car c'est une inversion des clichés : le sexe "faible" devient supérieur par la beauté et la maternité, qui sont des considérations masculines, et adopte des attributs "virils" : le courage signifiant "virtus" en latin.

Dans l'extrait "reconnait et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de la femme et de la citoyenne", ODG utilise un lexique juridique et religieux révolutionnaire "le culte de l'Être suprême a été instauré par Robespierre". Cette phrase annonce les articles sous l'autorité divine, et donc sacrée.

 

La DDFC est passée d'une nécessité à une réalité effective qui s'impose (cf. les verbes au présent).

 

IV. Les deux premiers articles de la Déclaration, réécrits au féminin

Ces articles illustrent le projet politique et littéraire d'ODG: mettre la femme au centre du projet politique en lui redonnant un statut juridique et sociale. Ils sont rédigés au présent de vérité générale, et sont très proches des articles de la DDHC, dans le même style juridique et dans le sens, commun. Le thème majeur de cet extrait sont bien les "droits", évoqués sept fois.

 

 

Article 1: "La femme nait libre et demeure égale à l'homme en droit".  Cette phrase est différente de celle de la DDHC puisque la femme devient le sujet, en antithèse avec l'homme. Cela montre que la DDHC donnait à l'homme le sens bien de mâle et pas d'humain.

Article 1: "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune".  C'est exactement la même phrase que dans la DDHC, mais son sens change puisque la phrase précédente est différente. Les distinctions entre la femme et l'homme n'ont plus de raisons d'être et il y a encore une insistance sur le rôle de la femme. 

 

Article 2: "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme:".  L'expression "droits naturels" concerne les fondements de la nature et de la naissance évoqués dans l'article 1. On ajoute à la DDHC "de la femme". Cette ajout revendique l'égalité et dénonce les manquements de la DDHC. Il s'agit ici de droits fondamentaux, comme le préambule l'annonçait.

Article 2: "Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression". Ici, Olympe de Gouges ajoute à la DDHC l'adverbe "surtout" pour attirer l'attention sur le dernier terme de l'énumération avec ironie car on comprend que l'oppression de l'homme sur la femme est toujours présente.

 

Conclusion

ODG, en se positionnant en porte-parole, des femmes et en suivant le modèle de la DDHC, revendique puis proclame l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, mais aussi un rôle paritaire au sein de la nation. Toutefois en réécrivant le préambule et les deux premiers articles, elle apporte quelques modifications qui lui permettent de dénoncer les insufficances de la DDHC qui n'englobait pas les femmes dans la nation et ne leur accordait pas de rôle politique. Ainsin; ODG souligne l'absence de portée universelle de la DDHC. Sa déclaration rétablit les droits des femmes sur un monde égalitaire. C'est une ouverture vers un autre article.

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